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Et si... Bède le Vénérable avait lu Akira Toriyama
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4 avril 2012

Ibicus de Pascal Rabaté

« Quand le monde s'écroulera dans le feu et le sang, quand la guerre rentrera dans les maisons, quand le frère tuera le frère, toi tu deviendras riche ! tu vivras des aventures extraordinaires, mais tu seras riche ! »

9782869676923FSTelles sont les paroles qu’une diseuse de bonne aventure lâcha un beau jour à Siméon Nevzorof. Quatre ans plus tard nous sommes en 1917, la révolution gronde en Russie, Siméon se remémore les paroles de la gitane, pense son heure arrivée. Il n’est en fait pas au bout de ses peines...

Œuvre magistrale orchestrée par un Pascal Rabaté au sommet de sa forme, Ibicus est une série en 4 tomes parus entre 1998 et 2001 chez Vents d’Ouest, disponibles également dans une version intégrale de plus de 500 pages, et adaptant de manière très libre un roman écrit par Alexeï Tolstoï (pas Léon) en 1924. Il y est donc question d’un homme, Siméon Nevzorof, antihéros complet dont le portrait est génialement brossé par ce bougre de Pascal Rabaté tout au long des 500 pages de son récit. Sorte de nihiliste immature à la nonchalance outrancière et au dandysme surfait, un peu minable, un peu lâche, à tendance mythomane, opportuniste jusqu’au bout des ongles, notre héros arrive pourtant à en devenir attachant et drôle, développant un instinct de survie et une capacité à rebondir assez incroyables. Regardant la belle Istanbul depuis les marches de l’établissement de jeux qu’il vient d’ouvrir, ne se déclare-t-il d’ailleurs pas lui-même « roi du monde » ? Mais avant d’en arriver là, il en aura vécu des péripéties ! De Pétrograd à Moscou, de Moscou à Kharkov, de Kharkov à Odessa, de Odessa à l'île d'Halki,de l'île d'Halki à Istanbul, tour à tour agent comptable, cocaïnomane, comte, tenancier de tripot, propriétaire terrien, vagabond, détrousseur, négociant grec, agent du contre-espionnage, mendiant, proxénète turque. Notre homme se laisse porter par les pict_12838évènements, emporté par les vagues du marasme russe de ces années de révolution, cherchant son profit là où il se trouve, laissant la grande histoire lui passer au-dessus de la tête pour mieux se la prendre de plein fouet dans la gueule. Il grimpe, dégringole, remonte, retombe, alternant sans cesse entre hauts et bas, passant de douces périodes d’insouciance à des moments de crise dramatiques.  Partout violence, partout folie, mais aussi romantisme. C’est raconté habilement, avec fluidité, au hasard des aléas de la vie de notre héros, enchaînement de scènes efficaces et éloquentes. Avec ça, des personnages secondaires bien campés, et une caractérisation très réussit des rôles principaux qui croisent la route de Siméon.

L’ensemble s’apparente ainsi à une sorte de douce symphonie, Pascal Rabaté ayant réussit à instaurer un Page003rythme particulier à sa bande dessinée, grâce notamment à de longs moments de silence où les dessins se suffisent amplement à eux-mêmes, à des pages construites autour de cases grand format, et à un texte peu abondant qui tape toujours juste. La construction des planches peut parfois être très intéressante et les arrière-plans, animés d’une vie propre, fort riches, mais c’est en premier lieu le style graphique de l’auteur qui saute aux yeux : de très beaux dessins noir et blanc à l’acrylique, des jeux de lumière intelligemment pensés, et des personnages aux courbes longilignes dont les expressions faciales sonnent plus vrai que nature. Un résultat de toute beauté, pour une bande dessinée qui n’en manque pas. Le chef-d’œuvre de Pascal Rabaté se trouve là, assurément.

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