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Et si... Bède le Vénérable avait lu Akira Toriyama
Et si... Bède le Vénérable avait lu Akira Toriyama
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10 mai 2010

Intégrale Ranx, du condensé de cyberpunk culte pour 15 euros

ranxpg00Créé de toutes pièces par un délinquétudiant à partir d'une photocopieuse Xerox, Ranx est un androïde à la force énorme qui use et abuse de la violence, se shoote au Vinavil (colle extra-forte très connue en Italie) et se trouve être complètement éperdue de la jeune Lubna, junkie de 12 ans au sale caractère qui fait ce qu'elle veut de son amoureux d'androïde. Leur fief, c'est une Rome futuriste au style cyberpunk où leur quotidien se partage entre bastons, drogue et baise.

C'est une série culte des années 80 que les éditions Glénat, à travers le label Drugstore, ont décidé de rééditer ce mois-ci, dans une version intégrale petit format de 170 pages pour 15 euros (avec en bonus quelques dessins inédits en fin de volume) : Ranxerox, oeuvre punk complètement déjantée et irrévérencieuse qui a marqué son temps de par son style ultra-violent et surtout son incroyable graphisme, autant en Italie qu'en France ou aux Etats-Unis. Le personnage de Rank Xerox (renommé ensuite Ranxerox pour des raisons de copyright) a été créé en 1978 par l'Italien Stefano Tamburini, "graphiste concepteur touche à tout issu de la presse alternative" (dixit la préface de Marc Voline), qui assure scénario et dessin. En 1980 son compatriote Tanino Liberatore le rejoint sur la série pour s'occuper de la partie graphique (le titre est dès lors publié dans le magazine Frigidaire dont Tamburini est le fondateur), et Ranxerox explose véritablement. La série arrive en France en 1981 (dans l'Echo des Savanes), aux Etats-Unis en 1983 (dans Heavy Metal), puis un peu partout en Europe et au Japon, et fait date dans le petit monde de la bande dessinée, pour beaucoup de lecteurs c'est le choc, Ranx devient un personnage culte des années 80 et une icône de la culture cyberpunk. La faute à deux auteurs barrés qui ont produit une série survitaminée au graphisme ravageur. Le titre compte 4 tomes : le premier reprend les histoires en noir et blanc signées Tamburini en solo (bien que Liberatore l'assiste déjà aux crayonnés), tandis les deuxième et troisième nous présentent la meilleure période de la série, celle ou Tamburini et Liberatore sont associés pour notre plus grand plaisir. Enfin, le dernier tome est assez particulier : Tamburini en avait écrit une quinzaine de pages avant de mourir d'overdose en 1986, et bien que Liberatore les avait dessinés elles restèrent dans les cartons jusqu'à ce qu'en 1994 Alain Chabat (oui oui, celui des Nuls), grand fan de BD et ayant déjà travaillé avec la maestro italien, décide de reprendre le scénario là où il avait été laissé. Le résultat ne sera pas entièrement mauvais mais pas tout à fait convaincant non plus, l'histoire ressemblant plus à une parodie du style de Tamburini qu'à une continuation de celui-ci.

G_665_1En tout les cas, ce qui fait toute la force de cette série c'est en premier lieu son dessin puissant, sauvage et torturé. Liberatore est un maître à la créativité indéniable, son style réaliste et foisonnant est marqué par une colorisation très particulière, à la fois pâle et vive, sobre et chatoyante, sombre et lumineuse. Une colorisation profonde, massive, comme incrustée dans le papier. Chaque dessin de Liberatore, c'est de la matière à l'état pure, ça suinte, ça se tord, ça luit. Un graphisme épais aux compositions riches et foisonnantes, ça fourmille de détails, le moindre figurant en arrière-plan a un style, une attitude et un look bien particuliers, la moindre rue, la moindre façade a une identité propre dans ces cases qui pullulent de logos, de vêtements loufoques, d'enseignes et de graffitis. Le style de Liberatore peut néanmoins en rebuter certains car il reste lourd, fatiguant à l'oeil et manque de fluidité. Des défauts que je reconnais mais qui ne m'ont pourtant pas empêcher de fortement apprécier ce graphisme fait de chairs qui luisent, de muscles qui se tordent, d'articulations torturées et de tendons tiraillés, de me régaler de ces dessin qui suintent de matière toxique et urbaine, de façades d'immeubles dégoulinantes et de trottoirs dégueulasses. Le moindre pli de tissu, la moindre parcelle de béton, le moindre morceau de peau m'a semblé être une merveille.

ranxeroxpCôté scénario "drogue, sexe, violence, oseille et Rock'n Roll" pourrait très bien être le slogan de la série tant les agissements de Ranx consistent en grande partie en prises de drogue, bastons, baises et recherche de pognon. Stefano Tamburini est en roue libre et nous sert des scénarios décousues et complètement hallucinés au style punk et junky. Ranx et sa chère Lubna évoluent dans une Rome futuriste faite de loubards, d'artistes louches, de dealers, de drogués et de prostitués, de types complètement détraqués, une cité sale et délabrée aux accents cyberpunks voir post-appocalyptiques, aux murs remplis de graffitis et aux trottoirs plein de déchets. Et les autres villes où le couple passera, à savoir New-York et Palerme, ne semblent guère échapper à ce constat.

Au final les scenarii de Tamburini ne vont pas bien loin et font s'enchaîner des petites scénettes délirantes avec une trame de fond souvent très simpliste mais qu'importe, le grand bordel qui se dégage de ces pages, ce côté destroy et punk est vraiment plaisant à lire. Avec en plus un maître aux pinceaux, cette oeuvre survitaminée ne pouvait que devenir culte. Et pour 15 euros l'intégrale, vous ne pouvez que sauter dessus, surtout que le petit format de l'édition ne gâche que très peu le dessin et préserve toute sa superbe.

Ranx_Boxe

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Commentaires
S
Super critique! <br /> <br /> Continue comme ca, c'est du tout bon ;-)
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