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Et si... Bède le Vénérable avait lu Akira Toriyama
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25 mars 2010

Namor, Voyage au Fond des Mers

NamorLe professeur Stein est un sceptique convaincu à l'esprit cartésien très appuyé, amoureux de la science et de la logique, menant une lutte intellectuelle acharnée contre la superstition et les légendes. C'est pour ces raisons, en plus de son expérience d'explorateur, qu'il est dépêché pour une nouvelle mission : retrouver le capitaine Marlowe, partit dans les fonds marins à la recherche de l'Atlantide et dont on a récemment reçu un étrange message alors que tout le monde croyait son expédition disparue. Embarquant à bord du Platon, sous-marin piloté par un équipage de 6 hommes, Randolph Stein est bien décidé à en finir au passage avec la légende de l'Atlantide et de son soit-disant protecteur Namor.

Les lecteurs réguliers des productions Marvel le connaissent bien : il s'agit d'un super-héros créé par Bill Everett en 1939, l'un des premiers représentants de la race mutante (Namor pas Bill), capable de vivre sur terre comme sous les mers, ni tout à fait bon ni tout à fait mauvais, défendant avant toutes choses les intérêts de son peuple, les Atlantes. Le Prince des Mers est d'ailleurs très peu présent dans ce comics -qui n'a au passage rien d'un récit de super-héros malgré son affiliation à l'univers Marvel- même s'il est au centre des préoccupations et des discussions. L'album est donc largement abordable pour le néophyte. À ce propos, un point est assez dommage : on sait dès le début du livre que, dans le Marvelerse, Namor et sa cité engloutie existent bel et bien, ce qui enlève une part de suspense et de mystère à l'histoire. Et pourtant le scénariste irlandais Peter Milligan arrive à nous accrocher avec beaucoup d'habileté.

Namor_t_tesAprès une introduction des plus réussits qui fleure bon les vieux films d'aventure (l'action a beau se dérouler dans les années 50, l'ambiance m'a plutôt fait penser à la période de l'entre-deux-guerres), on est directement plongé dans un huis-clos total, à bord de ce submersible partit pour aller au plus profond des océans... et des angoisses de ses occupants. Le capitaine Nelson le sait d'ailleurs très bien : «Les profondeurs, ça produit des choses bizarres. Plus on s'enfonce, plus il y a de créatures qui rôdent dans les ténèbres». Partant de là, le scenariste a toute la matière qu'il faut pour développer une ambiance opressante et inquiétante, et on regrette finalement qu'il n'ait pas eu plus d'épisodes (le présent volume en compte cinq) pour écrire son histoire. Il s'en sort néanmoins très bien et mène habilement son propos. L'effroi nous prend rapidement, et on sent monter angoisse et nervosité chez l'équipage en même temps que s'enfonce le sous-marin dans les profondeurs. Dans le submersible c'est d'ailleurs le bras de fer continue entre le rationnalisme du professeur Stein et les croyances des membres d'équipage. L'éminent scientifique affronte sans cesse les légendes de ces "hommes du fond", lui qui semble placer la science au rang de religion et commence petit à petit à en faire sa propre superstition au fur et à mesure que sa raison perd pied. Un personnage assez extrême de par la fermeté de ses croyances et son évolution psychologique, très bien traité par Milligan au même titre que les autres membres d'équipage, même s'il s'agit pour leur part de profils plus classiques (en gros l'archétype du marin qui a du vécu derrière lui).

Namor_sous_marinCet excellent scénario est magnifié, superbement illustré par un Esad Ribic, croate de son état, qui porte véritablement l'album sur ses épaules. Son style entre peinture et aquarelle, avec des contours doux et des couleurs assez passées, est une pure merveille qui scotche le lecteur sans problème. De par sa maîtrise des jeux de couleurs il arrive à créer des ambiances prenantes et variées avec une facilité déconcertante. Sa colorisation pâle, blafarde, assez froide au fond, accentue le sentiment d'angoisse, et ses jeux de clair-obscure rendent à merveille la noirceur et l'immensité écrasante des fonds marins. Jamais ou presque on n'a aussi bien représenté l'absence de lumière. Ca en devient par moment tout simplement saisissant (voir par exemple le court instant où le reflet de deux paumes de main apparaît sur une vitre du sous-marin). Il y a également chez lui un sens du détail très poussé, chose assez rare lorsqu'il s'agit de dessin-peinture, l'auteur traitant tout les éléments de ses cases avec la même minutie. On remarque aussi son étonnant travail sur les regards, les rendant saisissant par un je ne sais quoi dans la taille et le reflet des pupilles, le contour des paupières, la rougeur des vaisseaux, les plis autour des yeux, ce qui joue un rôle de premier ordre dans l'expressivité qu'il arrive à donner aux visages qu'il dessine (en exagérant parfois un peu trop, notammant lorsqu'il s'agit de représenter l'étonnement).

Bref, Ribic est au sommet et maîtrise son art comme personne, que ce soit à travers son sens du détail, ses jeux d'ombre et de couleur ou son travail sur les expressions. Associé à Peter Milligan il livre un album de haute tenue et vraiment réussit, avec en plus une très bonne traduction de Sophie Watine-Viévard.

«Plus on s'enfonce, plus il y a de créatures qui rôdent dans les ténèbres. Quelles créatures rôdent dans mes ténèbres?»

Namor_Voyage_au_fond_des_mersNamor - Voyage au Fond des Mers
Editeur : Panini Comics
Collection : Marvel Graphic Novels
Parution : Novembre 2009
Prix : 17 euros (120 pages)
Scenario : Peter Milligan
Dessin : Esad Ribic

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Commentaires
W
tu as raison, j'ai d'ailleurs hésité avant de mettre cette phrase d'ailleurs. Je voulais en fait plutôt dire "l'un des premiers mutants à être apparu dans les comics Marvel" (le premier d'ailleurs je crois)
D
Je voudrais juste revenir sur une phrase de ton texte. Dire de Namor qu'il est "l'un des premiers représentants de la race mutante" me semble légèrement hasardeux, sachant que la révélation de cette identité mutante fut décidé bien longtemps après sa création et qu'un mutant "authentique" (pas une invention inopinée de scénariste en panne d'idées) comme Apocalypse va sur ses 5000 ans.
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